
Nous avons besoin d’ennemis !
Si vous me critiquez, mes chers ennemis, tant mieux ! C’est bien à vous que je m’adresse, le verbe haut, presque provocateur. Vous allez m’aider à grandir et à progresser.
Dans la culture anglo-saxonne, l’échec est perçu comme un tremplin pour avancer. Dans nos cultures, j’ai envie de dire ancienne, l’échec est sanctionné, il n’est surtout pas glorifié.
Vous, mes ennemis, faites votre travail de critique ; moi, de mon côté, je fais mon travail de remise en question. L’échec est souvent considéré comme une fin alors qu’il n’est qu’un début. Il est une sorte de médaille que l’on pourrait recevoir à chaque fois qu’il nous propulse vers un progrès.
Soyons réalistes : nous n’allons pas faire exprès de rater pour apprendre, mais nous allons apprendre à chaque fois que nous échouons. Encore faut-il avoir des leaders qui nous encouragent dans ce paradigme si rare. L’humour, et son corollaire la dérision, sont très utiles dans les processus de remise en question de ses propres pratiques managériales. Non, chef, vous ne vous tirez pas une balle dans le pied en valorisant mon ratage, vous me développez. Cette action porte un nom, le leadership.
Il y a des gens qui sont grands à l’intérieur mais qui n’ont pas encore franchi la barrière extérieure. Dans l’histoire des entreprises suisses, il y a un cas à part. Celui du management de Swissair qui a su gérer les injonctions paradoxales les plus classiques du management des entreprises (« faites comme je dis, pas comme je fais »). Toute la conduite des équipes se faisait sur une articulation simple : l’exemplarité. Cela s’explique par le fait que les responsables étaient issus de la ligne.
“Nous, les Swissair”, j’ai eu l’immense bonheur de travailler pour cette compagnie aérienne où la culture d’entreprise était à son apogée. Les relations étaient quasi fraternelles et tout le monde était passionné par son métier, du bagagiste au commandant de bord. Les relations étaient profondes, ce qui a rendu le leadership solide, même avec ses travers de paternalisme autoritaire. Les gens avaient de l’amitié pour leurs collègues. Vingt-cinq ans après, les anciens participants à nos séminaires se revoient, se parlent et éprouvent tous la même nostalgie d’une culture de proximité.
Mais qu’est-ce qui a pollué cette culture unique transcendée par les relations ? Une volonté de faire plus de business ? Non, les deux sont compatibles et même recommandés. C’est un management avec des conceptions antédiluviennes. C’est là que j’ai réalisé l’importance de l’alignement entre culture et comportement managérial. Il faut faire l’effort de comprendre son environnement culturel pour imaginer son management. Dans ce cas, un autre alignement n’était pas au rendez-vous, celui de la stratégie des dirigeants et la réalité du marché, cette déconnexion a provoqué la chute de la compagnie. L’imaginaire des élites, alimentés par leur égo n’a pas réalisé que leurs volontés d’acquisition n’était pas réaliste mais chimérique. Mais c’est une autre histoire, si douloureuse.